[Carte] En coup de vent au Cambodge
Voici un pays qui ne se dompte pas facilement en vélo. Ravitaillement aléatoire, routes défoncées, circulation chaotique… Hors des villes pourtant, des paysages hors du temps pleins de charme et une population accueillante méritent de faire étape au Cambodge. Fut-ce-t-elle express.
Notre itinéraire
Période : mai 2018 // Distance parcourue : 510 km
Entrer au Cambodge c’est se plonger dans un univers brut. En venant de Thaïlande, le passage de la frontière à Poipet donne le ton. Au milieu des trucks poussiéreux, des Cambodgiens, peau très sombre et vêtements élimés poussent à bout de bras des carrioles en tout genre débordant de toutes part de tissus, de caoutchouc, d’objets hétéroclites. Des hommes maigres simplement vêtus d’une culotte sarouel déambulent dans les rues…
Une fois les check point passés, retour sur la voie droite. Et découverte d’une autre approche de la conduite. Ici c’est « je passe où je peux quand je peux ». Ce qui est officiellement une route à simple double sens devient une sorte de 3 voies et demi, les voitures doublant les camions quand bien même une voiture roule sur la voie d’en face… Des scooters avec 4 personnes saucissonnées sur le siège dépassent les carrioles ou tracteurs « tondeuses » tirant d’énormes remorques qui elles-mêmes tentent d’éviter vélos et scooter remontant la route à double sens… Tout à coup surgit un véhicule ou des piétons tentant de se frayer un passage pour rejoindre l’autre côté du chaos. Cela surprend mais, ici encore, l’agressivité ne fait pas partie du vocabulaire, même si certains automobilistes roulent (trop) vite.
Au Cambodge, les journées de pédalage mettent le corps à l’épreuve. Les ravitaillements sont compliqués, les petites échoppes sur le bord de la route sont moins nombreuses, les cantines du midi parfois peu ragoutantes. Difficile également de s’abriter du soleil, les grands arbres se font rares. Ici, nous avons aussi été plus sales que jamais, au choix recouverts de boue, de poussière voire de goudron !
Mais pédaler au Cambodge a un avantage, les routes sont plates ! Par conséquent, c’est parfois un peu monotone. Mais les habitants, surtout les plus jeunes, savent aider les cyclistes à rompre la routine. Sur la route entre Takeo et Kampot, les habitations sont omniprésentes le long de la route. Des hello d’enfants surgissent régulièrement, parfois criés d’on ne sais où. Le jeu consiste à trouver celui qui vous aura salué. Les écoliers rentrant de classe en bicyclette sont aussi friands d’exercer leurs rudiments d’anglais et n’hésitent pas à vous suivre pour un brin de causette.
Traverser le pays en vélo nous a donné à voir des scènes de vie suspendues dans le temps. Des paysans travaillant à la main dans leurs champs. Des maisons sur pilotis en bois surgissant ici et là dans un bocage verdoyant où buffles d’eau et vaches à grandes oreilles broutent, se chamaillent, protègent les petits nouveaux. Quelques moments de grâce au milieu de conditions de vie très pauvres. Les stigmates du génocide sont bien présents,le pays semble s’en relever très lentement, en témoigne la rudesse de la vie pour la plupart des cambodgiens. Prostitution, habitations de fortune, mendicité, décharge d’ordures omniprésentes, se déploient sous vos yeux au quotidien. Nous avons souvent été peinés par l’écart de niveau de vie entre nous, Occidentaux ayant la chance de prendre 6 mois de congés, et les habitants, vivant dans des conditions plus que sommaires. On ne regrette pas notre passage au Cambodge mais il y a quelque chose de pesant dans l’atmosphère générale auquel il faut être prêt.
Et si on a plus envie de pédaler ?
Ici au moins, pas de dilemme, il n’y pas de train (ou si, juste un entre Phnom Penh et Sianoukville mais uniquement le week-end. Et prennent-ils les vélos?)
La seule option possible et « officielle » à notre connaissance, est de s’avancer en bus. Nous avons pu embarquer nos vélos dans un bus de nuit couchette avec la compagnie Virak Buntham. Le trajet Siem Reap – Phnom Penh nous a coûté 48 dollars pour deux avec deux vélos. Les vélos sont mis en soute. L’espace est assez grand pour qu’ils soient entreposés debout avec grandes valises ou scooters. Nos montures sont arrivés intactes. Nous sommes juste restés à côté au moment de les charger pour s’assurer qu’elles étaient bien traitées.
Nos (petits) coups de coeur
- Angkor et malgré tout !
Avoir des vélos est un atout indéniable. Nous avons parcouru la petite et la grande boucle en deux jours soit 80 Km environ. Nous avons commencé par la grande et avons vu le lever du soleil sur Angkor Wat le lendemain pour enchainer avec la petite. On ne peut pas nier que c’est un site sur-fréquenté et parfois étouffant mais le lieux reste magique. Pédaler au coeur de cette grande forêt autrefois cité, parcourue de centaines de rue et ruelles où des milliers de Cambodgiens évoluaient, est assez vertigineux.
- Un peu de culture à Siem Reap
Assister à une représentation du cirque cambodgien « Phare ». L’énergie qui se dégage des performances de ces jeunes est touchante et communicative. Aller voir ce spectacle est aussi l’occasion de soutenir un beau projet. L’association Phare Ponleu Selpek, fondée par 9 réfugiés cambodgiens ayant fuit le génocide perpétré par les Khmers rouge, forme des jeunes aux arts vivants (musique, graphisme, danse, cirque…). Elle leur permet de se professionnaliser et ainsi de vivre de leurs talents. Une initiative qui, nous le comprendrons durant notre séjour, est précieuse ici.
- Kampot et ses environs
Visiter les plantations de poivre. Nous avons choisi Sothy’s farm car c’est une plantation certifiée bio et tenue par une Cambodgienne. L’endroit est paisible, ombragé et on peut y déguster quelques plats mettant en valeur le fameux poivre.
La région autour de Kampot est verdoyante, voire très dépaysante notamment en partant vers l’Est en direction du Vietnam. Si vous êtes en manque de sport, à quelques kilomètres de Kampot, la station d’altitude de Bokor dans le parc national de Preah Monivong, peut valoir une étape. Ce petit col à 1080 mètres d’altitude, offre une belle vue plongeante sur la baie et sur l’île vietnamienne de Phu Quoc (si une épaisse brume ne décide pas de vous boucher la vue une fois arrivés en haut !). La montée est agréable, la fraicheur au rendez-vous (25°C) et les Cambodgiens ne manqueront pas de vous encourager dans votre ascension.
En revanche, toujours du côté de Kampot, nous n’avons pas du tout accroché avec Kep. Nous avons même trouvé l’endroit plutôt glauque.
Nos conseils
- Bien se renseigner auprès d’autres voyageurs avant votre départ car il n’est pas facile d’improviser une fois sur place. Nous aurions peut-être davantage apprécié ce pays en privilégiant d’autres routes.
- Si vous avez plus temps, pourquoi ne pas tenter le Sud-Ouest, par les parcs nationaux de Phnum Samkoh et Boutom Sakor ? A étudier. Christian, un sympathique expat’ Allemand rencontré à Bangkok, qui a vécu deux ans au Cambodge, nous l’avait conseillé.
Ah oui et au fait !
Ici, ne vous étonnez pas de voir des habitants en pyjama toute la journée ni de voir des gamins de 8 ans vous doubler en scooter !
Plus sérieusement, en apprendre davantage sur l’histoire meurtrière du Cambodge, nous a semblé indispensable. A écouter, les deux volets de l’émission « Affaires sensibles » sur le génocide perpétré par les Khmers rouges. A lire, « Le portail » et « le Silence du bourreau », de Georges Bizot, qui décrit avec une grande sensibilité les paysages et l’horreur sur le point d’advenir.
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