Malaisie : le colibri, le policier et les klaxons
Plus que par ses paysages ou sa gastronomie, la Malaisie nous a touché par ses habitants et par l’accueil que nous ont réservé tous ceux que nous avons croisé sur notre route.
Depuis le début du mois d’avril, nous faisons nos premiers sur le continent asiatique, en Malaisie. Après moult tergiversations sur notre trajet à vélo nous avons décidé de traverser le pays d’Ouest en Est, en passant au travers de la zone « montagneuse », par la jungle. Enfin ce qu’il en reste…
440 kilomètres au milieu des forêts tropicales encore préservées mais aussi au cœur d’immenses étendues de palmiers à huile à perte de vue. Des paysages enchanteurs alternent avec des étendues désolantes en l’espace de quelques kilomètres. Ce qui nous laisse un sentiment mitigé. Au bout d’une dizaine de jours dans le pays, si on ne devait retenir qu’une chose ce serait l’amabilité de ses habitants.
Dès le moment où nous avons enfourché nos vélos nous n’avons récolté sur la route que des saluts amicaux, des coups de klaxons d’encouragement, des discussions entamées au détour d’une cantine du midi, beaucoup de questions et un intérêt sincère pour notre périple. Certainement l’effet « vélo » dont nous ont parlé de nombreux cyclovoyageurs, mais pas seulement. Autant de sympathie nous a tout de suite mis en confiance.
Zaki, le colibri
A l’issue de notre premier jour de pédalage entre Kuala Lumpur (Batu Caves) et Lurah Bilut, nous avons d’abord été accueillis par Zaki grâce au réseau Warmshowers.
Zaki vient nous chercher au volant de son scooter. Visage rond, grand sourire et regard doux, il nous invite à le suivre. Là, nous découvrons sa maison, où il vit avec sa femme Ariatti et leur petit bout Sophia, 10 mois. Une modeste demeure composée d’un bâtiment en dur où se trouve un lit, un petit hamac et une salle d’eau. En face, dans la cour, Zaki a aménagé un espace en bois abrité par un toit de tôle qui fait à la fois office de petite chambre d’extérieur et de cuisine ouverte. Tout est en bois récupéré ici et là. Nous comprenons rapidement que notre hôte vit de peu.
Pour remplir nos assiettes ce soir, direction la rivière la plus proche. Arrivés près du cours d’eau, Zaki observe d’abord le lit de la rivière pour repérer les poissons qui remontent dans la cascade. Puis, il empoigne son grand filet, le jette dans la rivière et s’élance dans l’eau à son tour. La récolte n’est pas des meilleures aujourd’hui, mais ce sera suffisant pour le repas. Zaki et Arietti, les ferons frire accompagnés d’une omelette aux feuilles de moringas réputées pour être source de nombreuses vitamines et minéraux. Un délice !
Au cours de la soirée nous découvrons une personnalité enthousiaste et d’une grande générosité. Zaki accueille tout au long de l’année couchsurfeurs, volontaires, hôtes warmshowers, travailleurs via workaway… Une façon pour lui, nous confie-t-il, de préparer l’avenir de sa fille en l’entourant de la présence de visiteurs étrangers afin de la familiariser avec différentes langues. Bercés par cet accueil chaleureux nous dormons comme des bébés et repartons le lendemain avec un pincement au cœur. Zaki et Arietti font résolument leur part.
Rustam, le guide improvisé
Dès le lendemain, nous arrivons à Kuala Lipis, charmante petite bourgade dont le centre-ville s’enorgueillit de vieux bâtiments des années 1930. Alors que nous cherchons notre chemin pour trouver un hôtel, un couple en scooter s’arrête a notre hauteur… Le conducteur propose de nous guider jusqu’à un hôtel. Il s’avèrera propre et pas cher. Nous sommes ravis. Notre « guide » a décidé de nous attendre dans le hall pour aller boire un coup tous ensemble. Devant son enthousiasme, nous ne pouvons pas ne pas accepter. Il nous amène dans un café de son choix. Nous partageons une étrange glace, mélange de glace pilée, de yaourt au fruit, avec des haricots rouges, du maïs et des boules de gélatine…
Muhammad R. nous raconte sa vie pour le moins épique. Ce policier de 37 ans, s’est installé ici après un début de carrière mouvementé. Pour en témoigner, il écarte ses lèvres avec ses doigts et nous montre ses gencives abimées. Il saisit la main de Samy pour lui faire sentir les os flottants de sa mâchoire et nous montre les larges cicatrices sur sa tête et son visage. Des stigmates de missions qui ont mal tourné.
Ravi de rencontrer des Français, il en profite pour élucider un mystère qui lui brûle les lèvres. Visiblement depuis des années. Il veut absolument connaître la signification des paroles de sa chanson favorite : « J’en ai marre » d’Alizée. Le rayonnement de la France n’est pas toujours où on l’attend !
Grâce à lui, nous découvrons le marché nocturne de Kuala Lipis, où nous dégustons des spécialités toutes plus alléchantes les unes que les autres : satay, riz cuit à la vapeur dans des bambous avec un mélange de lait de coco et de sucre, mets sucrés cuits dans des feuilles de bananes… Nous enrichissons aussi notre vocabulaire malais à son contact, repartons avec des conseils pour la route des prochains jours et le fleuron de la chanson française dans la tête.
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